(Natalie Dessay, como Amina - La Sonnambula)
«À l'Opéra Bastille, Natalie Dessay domine de tout son talent une soirée grise, dans une œuvre à l'intérêt limité.
La méthode consistant à programmer un ouvrage parce que l'on dispose de l'interprète adéquat a ses avantages, mais aussi ses limites. On est sûr d'entendre un ou une artiste au meilleur de son art, mais le titre risque de quitter l'affiche aussi rapidement, d'autant qu'il ne s'agit pas forcément d'un chef-d'œuvre. On n'aurait sûrement pas monté La Somnambule sans Natalie Dessay et c'était de toute évidence une anomalie que l'opéra de Bellini n'ait jamais été joué à l'Opéra de Paris. Mais, à l'usage, il faut bien reconnaître que l'œuvre n'est guère passionnante : l'intrigue est pour le moins mince, les personnages sans grande épaisseur, on a vite l'impression d'entendre une succession d'airs que l'on aime écouter au disque ou en concert, mais qui ne créent pas un intérêt dramatique.
Peut-être une mise en scène inventive aurait-elle pu atténuer ce sentiment, mais Marco Arturo Marelli fait le contraire de ce qu'il annonce dans son texte du programme. Dans sa mise en scène empruntée à l'Opéra de Vienne, où elle est au répertoire depuis 2001, il nous promet une étude psychologique digne de Freud, mais on n'a droit qu'à des postures stéréotypées : la transposition au XXe siècle, dans un grand hôtel Arts déco donnant sur un massif alpin, n'a dès lors d'autre intérêt que décoratif.
Valeureuse et sensible
Reste donc à se laisser porter par la qualité musicale. Celle-ci repose d'abord sur les épaules du chef Evelino Pido : on pourrait souhaiter plus d'audace dans sa direction, mais voilà le chef de fosse idéal qui porte les chanteurs, respire avec eux, tout en prenant au sérieux cette musique méprisée par la plupart de ses confrères. De fait, l'orchestre cesse d'être la « grande guitare » brocardée par Stravinsky, et les solos de cor (Vladimir Dubois) ou de violoncelle (Cyrille Lacrouts) sont d'une rare somptuosité.
Tout le monde attendait Natalie Dessay, elle n'a pas déçu : souffrante, elle chanta malgré tout jusqu'au bout et ne trahit quelques lézardes qu'à la toute fin de la représentation. Valeureuse et sensible, elle parvient à humaniser son personnage grâce aux mille nuances et colorations d'un chant tout en respiration : un triomphe.
On n'en dira autant ni du ténor Javier Camarena, chanteur intègre mais voix de tenorino acidulée au vibrato serré, ou de la Lisa de Marie-Adeline Henry, dont la voix aigrelette est sans doute trop exposée dans un rôle délicat.
Luxe absolu, en revanche, que la présence de la basse Michele Pertusi dans le rôle du Comte : couleur vocale, noblesse du style, il est absolument souverain. Mais quelques belles grandes prestations ne font pas un tout, comme devrait l'être une soirée d'opéra mémorable.»
Diz-nos o escriba desta critica que A Sonâmbula (Bellini) é uma obra irrelevante, que apenas se celebrizou pelo brilho vocal dos intérpretes. Será uma opinião, a respeitar. Eu, não só a desrespeito, como a desprezo.
Christian Merlin é, aliás, senhor de um estilo critico snob e altaneiro, prolixo em “postas de pescada” do calibre acima enunciado. Por cá, vamos tendo dignos representantes desta linhagem, no semanário sobejamente conhecido.
Voltando à A Sonâmbula – que a história da música abraçou (contrariamente ao crítico atontalhado, que a posteridade se encarregará de ignorar).
Há alguns anos, Nat Dessay registara uma inolvidável Amina, que tive ocasião de enaltecer, sem pudor algum. Será A protagonista da sua geração, ensombrando Jo, Ciofi e até a justamente célebre Damrau.
Quanto ao estatuto de Dessay, neste território belcantista, pour une fois, eu e Merlin estamos de acordo!
Já agora, relembro o senhor que A Sonâmbula tem, de facto, grande interesse científico, nomeadamente junto da comunidade psicanalítica – vide este meu post. Não é que Merlin o desconheça, mas nunca é de mais recordá-lo.
O leitor mais interessado poderá ler esta divertida entrevista de Nat Dessay, concedida ao Le Figaro, dias antes da estreia desta produção, em Paris:
«À trois jours de la première à Bastille de l'opéra de Bellini, la soprano parle de ses passions, ses fantômes, ses peurs et ses rêves.
Alors que son CD Mad Scenes (Virgin Classics) compile les grandes scènes de folie de l'opéra, Natalie Dessay s'apprête à incarner l'héroïne de La Somnambule. Après cette halte parisienne, elle reprendra son bâton de pèlerin : New York pour Hamlet d'Ambroise Thomas ; une dernière Somnambule à Vienne ; Londres pour La Fille du régiment, de Donizetti.
LE FIGARO. - Pour vous, qui est Amina, l'héroïne de La Somnambule ?
Natalie DESSAY. - Amina est une jeune fille qui permet à son inconscient de s'exprimer par le somnambulisme. Ce qui est passionnant pour moi, car je n'ai pas d'inconscient. J'ai d'ailleurs entamé trois psychothérapies : en vain !
Le chant n'en est-il pas une ?
C'est même la meilleure qui soit. Le fait de crier plus fort que l'orchestre est un formidable exutoire. Si j'ai fait ce métier, c'est en partie pour exprimer une rage que j'avais en moi. Attention : rage ne veut pas dire colère, ni haine…
Cette soirée est votre avant-dernière Somnambule. Pourquoi ?
J'ai pour principe de ne pas chanter un rôle plus de soixante-dix fois. Après la reprise de ce spectacle à Vienne, le compte sera bon. Au-delà, je me lasse. Dans le cas de La Somnambule, la pauvreté du livret n'aide pas. Mais la beauté de la musique sauve le tout.
La Bastille n'est-elle pas trop grande pour ce chef-d'œuvre du bel canto ?
J'avais au départ demandé Garnier… Mais avec le maestro Evelino Pido, je suis comme téléguidée. Il y a entre nous un rapport quasi télépathique.
Avez-vous peur ?
La preuve, j'ai une pharyngite. Mais c'est comme ainsi pour chaque production. J'ai beau ne pas avoir d'inconscient…
À l'automne, vous avez chanté Musetta qui est un second rôle dans La Bohème. Était-ce un clin d'œil ?
Je me suis toujours dit que je chanterais du Puccini une fois dans ma vie et Musetta est le seul rôle qui convienne à ma voix… Mais ce spectacle, suivi de La Somnambule, m'a surtout permis de rester six mois à Paris. Cela ne m'était jamais arrivé en vingt ans de carrière. J'ai pu suivre la rentrée scolaire de mes enfants et me reposer…
Passons de Puccini à Verdi. Vous affectionnez La Traviata…
C'est même le rôle des rôles. Tout y est magnifique. Il y a la folie, l'amour, la mort, le glamour…
Comment abordez-vous un nouveau rôle ?
Sans a priori, en faisant avant tout confiance au metteur en scène. PourManon et La Traviata, j'ai lu Splendeur et Misère des courtisanes, de Balzac, histoire d'en savoir plus sur les demi-mondaines…
À l'automne, vous chanterez à Nice votre première Blanche de la Force dans Le Dialogue des carmélites de Poulenc. Encore un défi ?
C'est un rôle admirable et qui me fascine particulièrement car il repose sur la peur.
Un sentiment qui vous touche de près…
J'ai peur de tout : de la vie, de la mort, de ce qui peut m'être arraché. Petite fille, j'avais peur d'être une enfant et de devenir adulte. Depuis, j'évite le plus possible d'être dans le monde réel. Ce qui est possible, jusqu'au jour où vous avez des enfants. Ils vous ramènent brutalement à la réalité quotidienne.
Vivez-vous mal le quotidien ?
Disons que cela me coupe les ailes. Mon bureau est un amas de papiers, de contrats non signés. Je suis incapable de remplir une feuille d'impôts, je ne sais pas combien je gagne. Je crois que cela ne m'intéresse pas. Là où je me sens le mieux, c'est sur scène. Je ne suis juste pas adaptée pour la vie courante.
Dans ce cas, comment luttez-vous contre le spleen de la routine ?
Je lis, je peux m'abstraire longtemps en moi-même, j'observe mes chats… Depuis cet été, je monte à cheval, ce qui tourne presque à l'obsession. Je viens de lire les trois romans de Jérôme Garcin sur l'équitation ainsi que Milady, de Paul Morand…
Un peu solitaire, tout cela, non ?
Je crois que je ne suis pas très douée pour les rapports humains. Le but de certains est d'être adorés. Moi, mon objectif est de m'améliorer, à tous points de vue… J'aimerais arriver à un équilibre entre la fermeté et la douceur, quelque chose qui s'approche de la subtilité. Oui, c'est cela, la subtilité.
Vous êtes très exigeante avec vous-même…
Il le faut bien. « Se laisser vivre » est une expression qui me dépasse. La vie, ça se mérite. Regardez ce qui se passe en Haïti. Nous avons une chance folle. Voilà pourquoi il faut chaque jour remercier et rendre grâce. Pourtant, je ne crois pas en Dieu.
Une démarche presque mystique…
J'ai toujours dit que je n'étais pas une personne religieuse mais spirituelle. Je sais, ça sonne prétentieux… Disons que je suis tiraillée entre un complexe d'infériorité et un complexe de supériorité. J'assume mal de n'être vue que pour moi-même, j'ai toujours peur qu'on réalise mon imposture… et je ne chante jamais aussi bien que dans ma salle de bains.
Vous considérez-vous toujours comme une « actrice qui chante » ?
Toujours. Quand on fait de l'art, on doit reproduire le vivant. On tente de capter la nature et la vie (c'est ce qui me fascine dans les esquisses de Rembrandt ou les statues du Bernin). À l'opéra, la plupart du temps, c'est mort. Pourtant, si la musique est vivante, il faut que le jeu le soit aussi…
Êtes-vous tentée par le « vrai » théâtre ?
Oui. J'avais pour projet de monter une pièce de Thomas Bernhard avec Alfredo Arias, mais c'était trop tôt. J'aimerais d'abord passer par la comédie. Quelque chose de pétillant, comme La Dame de chez Maxim.
À la croisée des genres, Laurent Pelly a monté pour vous, à Toulouse, un spectacle autour de Michel Legrand…
J'ai découvert Peau d'âne à 6 ans et je ne m'en suis jamais remise. Lorsque Laurent m'a proposé une sorte de tour de chant autour de vingt et une chansons de Legrand, j'ai été emballée. Mais quel boulot ! Il m'a d'abord fallu trouver ma voix « normale » et j'étais tellement angoissée que j'en ai fait un lumbago. Le spectacle était formidable. Pour la recette du « cake d'amour », je faisais un gâteau en direct sur scène.
La comédie musicale vous tente-t-elle ?
J'aimerais bien. Legrand m'a d'ailleurs dit qu'il allait m'écrire un oratorio. J'attends. J'ai toujours dit qu'après l'opéra je ferais du music-hall.»