«Bonheur au sortir de la première du Nez, de Dmitri Chostakovitch, vendredi 8 juillet, au Grand Théâtre de Provence : on tient enfin le spectacle phare de ce Festival d'Aix-en-Provence. Rien à jeter. Le plateau vocal (russe) est formidable, les choeurs de l'Opéra de Lyon (rompus au répertoire russe), remarquables. La direction musicale de Kazushi Ono, brillante, vive et sensuelle, donne aux quarante virtuoses de son Orchestre de l'Opéra de Lyon un panache et une verve enthousiasmants. Quant à la mise en scène du Sud-africain William Kentridge, elle est simplement étourdissante. Au point qu'on se demande s'il convient encore de parler de "mise en scène" quand le propos balaie tous les champs visuels avec autant de virtuosité.
Il est vrai que Kentridge, né en 1955, est d'abord une star des arts plastiques : les plus grands musées et biennales (Le Jeu de Paume, à Paris, en 2010) ont présenté ses films d'animation, sculptures, dessins, collages, qui se jouent des illusions d'optique et enchantent l'oeil. A Aix, sa mise en scène est drôle, cocasse, poétique, émouvante, dotée d'une forte puissance évocatoire et d'un sens aigu de la miniature. Elle s'inscrit et s'écrit dans l'espace à la manière d'une partition graphique, que Kentridge paraphe d'une ludique révérence : des ombres d'objets sculptés et tournoyants, projetés sur le rideau de scène dès l'ouverture, arrêtent soudain leur ronde signalétique. On aperçoit alors le visage de Chostakovitch (1906-1975).
Le mérite principal de Kentridge et de son équipe (scénographie, costumes, lumière, vidéo) est de donner une portée contemporaine à la terrible nouvelle inventée par Nicolaï Gogol dans les Récits de Pétersbourg, une histoire sans queue ni tête, et même sans nez, celui que l'assesseur de collège, Platon Kouzmitch Kovalev, a perdu et qu'il devra chercher par toute la ville, perdant du même coup la face.
Nous ne sommes pas dans une satire féroce de l'époque de Nicolas Ier ou dans la dénonciation d'une société égoïste et cruelle. Non plus que dans l'évocation des doutes qui taraudaient Chostakovitch à la fin des années 1920 quant à son destin de créateur.
Folie avant-gardiste Nous sommes dans une réminiscence sensible de la folie avant-gardiste qui illustra, entre 1926 et 1928, à travers l'ouverture postrévolutionnaire en URSS, la recherche du neuf et de l'inédit. D'une vie autre. Ce mouvement, Kentridge le rend au moyen de collages de journaux, d'images d'archives (films), de montages picturaux évoquant le constructivisme de Rodtchenko, Tatline ou El Lissitsky, en donnant une vie à Monsieur Nez, sorti tout droit des dessins, tapisseries, bronzes, gravures, qu'il a créées en travail préparatoire à l'opéra et dont un certain nombre est exposé jusqu'au 3 septembre à l'Atelier de Cézanne et à la Cité du livre d'Aix.
A l'époque du Nez, on joue à Leningrad Richard Strauss, Berg, Krenek, Prokofiev et Schreker. Le jeune Chostakovitch ne jure que par les préceptes iconoclastes de l'homme de théâtre Vsevolod Meyerhold ("Si le spectacle a plu à tous, considère que c'est un échec sans rémission"), théoricien de génie, réalisateur des premières mises en scène constructivistes, avant d'être exécuté en 1940 pour avoir négligé le réalisme socialiste.
Le Nez est une musique de brigand, pétrie de démesure, fantasque, dissonante, provocatrice, écrite par un s'en-va-t-en-guerre de 21 ans bien décidé à en découdre avec l'ordre lyrique établi : sous le choc de la découverte du Wozzeck de Schoenberg donné à Leningrad en 1927 mais aussi du bruitisme de Mossolov, au coeur de cet orchestre débridé qui déploie une machine de guerre armée de vents et de percussions.
"Grenade anarchiste"
Quant au chant, il est dans une veine satirique. Cris, rires, gloussements, onomatopées, la voix est traitée sur tous les modes de la caricature et des tessitures extrêmes, du grave de la caverne à l'égosillement de l'aigu (impayable duo de l'assesseur sans nez et de l'inspecteur de police, interprétés par Vladimir Samsonov et Andreï Popov).
Traité de "grenade anarchiste" avant d'être laminée par les censeurs pro-staliniens, Le Nez fut retiré de l'affiche après seize représentations au Théâtre Maly de Leningrad, en 1930. Il sera interdit quarante ans avant de connaître une renaissance triomphale à Moscou en 1974. Celle-là même que nous venons de vivre à Aix-en-Provence.»
Considerado a glória suprema da edição de 2011 do Festival de Aix, O Nariz - ao que indicam as fotos (presentes no post que se segue) - afirmou-se pelo brilho do trabalho plástico de Kentdrige.
Sem comentários:
Enviar um comentário