A propósito do lançamento do novo album de Bartoli - Sacrificium -, este Outono, a mezzo italiana revela-se em entrevista ao Le Monde:
«Q'est ce qu'être une diva aujourd'hui ?
C'est toujours un jeu. Faire des interviews, des photos, porter des belles robes... (Rires) Et ne pas y croire totalement. Mais je suis une diva spéciale, qui a envie de partager. Ni solitaire ni mystérieuse. J'aime le contact et ce que les autres m'apportent. Et puis les divas manquent souvent d'humilité envers la musique.
Comment fonctionnez-vous dans la vie ?
J'ai besoin d'adrénaline et de grands projets. Et aussi de symbolique. Voyez par exemple mon prochain disque sur les castrats, Sacrificium. Les contre-ténors ont fait beaucoup pour la redécouverte de ce répertoire, mais je suis la première à aborder aussi le thème de la castration. Peut-être parce que je suis une femme...
Cela change-t-il la façon d'appréhender ce répertoire ?
Musicalement, non, psychologiquement, oui. L'Italie du XVIIIe siècle a mutilé 4 000 enfants par an pendant un siècle. Tout ça pour quatre, cinq ou six grands castrats : c'est un sacrifice au nom de la musique. Le paradoxe de l'Eglise catholique est de s'opposer à la castration tout en interdisant les voix de femmes et en acceptant seulement les castrats dans l'église.
Une femme peut-elle se mettre dans la peau d'un castrat ?
J'avais abordé ce répertoire avec The Salieri Album et surtout Opera proibita, avec des musiques d'Haendel, Alessandro Scarlatti, de Caldara. Mais j'ai attendu d'atteindre une vraie maturité technique et expressive pour faire ce nouveau disque. Caffarelli, Farinelli pouvaient aller de contralto à soprano léger...
Au-delà de la dimension historique et humaine, j'essaie de faire revivre les affects et les effets de la grande tradition baroque, mais aussi des airs pathétiques et des lamentos. Le plus difficile a été d'acquérir avec mon corps de femme la maîtrise du souffle : 25 mesures sans respirer, comme dans le fameux Son qual nave ch'agitata que Riccardo Broschi écrit pour son frère, Farinelli.
Vingt ans de carrière déjà et vous avez su préserver enthousiasme et perfectionnisme...
C'est la passion italienne ! Je ne m'autorise pas l'à-peu-près, et faire des compromis me coûte. Je suis toujours celle qui part la dernière des répétitions et ferme le théâtre avec le gardien. Avec ce sentiment de tristesse qui monte au fur et à mesure qu'on approche de la première. Je pense qu'au-delà du choix de musiques qui conviennent à ma voix, le vrai secret est de chanter des musiques qui conviennent à mon âme.
Etre née dans une famille de chanteurs n'est-il pas parfois un inconvénient ?
Je n'en vois pas. J'ai écouté mes parents chanter quand j'étais enfant et maintenant ce sont eux qui m'écoutent. Ils m'ont élevée au biberon du répertoire romantique italien, Aïda, Traviata, Turandot, La Bohème.... Je leur ai apporté Mozart, Rossini, la musique baroque, qui était peu connus dans l'Italie des années 1970.
La rencontre avec le vieux Karajan a-t-elle influencé la jeune cantatrice que vous étiez ?
Karajan m'avait vue chanter à la télévision pour l'hommage à la Callas diffusé sur Antenne 2, en 1987. Il m'a invitée à auditionner à Salzbourg. Il n'y avait qu'une toute petite lumière sur scène pour le pianiste. C'était impressionnant. Karajan était invisible. Il parlait de la salle avec un micro dans un italien mâtiné d'un fort accent allemand. "Co-sa can-te-ra per me ?" ("Qu'allez-vous chanter pour moi"). J'ai chanté Rossini et Mozart, le "Voi che sapete" du Chérubin des Noces de Figaro.
Après l'audition, il m'a proposé la Messe en si mineur de Bach avec Sumi Jo et Florence Quivar. Toutes les deux-trois semaines, je suis allée travailler à Salzbourg. Cela n'a duré que les trois mois précédant sa mort. Mais quel souvenir !
Y a-t-il des rôles qui transforment une vie ?
La vie, la scène, tout est en correspondance. Il y a dans la vie de petits moments de joie, et beaucoup de tristesses. Mais ma philosophie est tout entière dans le très bel air du Il trionfo del tempo e del disinganno, de Haendel : "Lascia la spina, cogli la rosa" ("Laisse l'épine, cueille la rose"). Il y a des rôles qui vous aident à vous comprendre et à comprendre les autres. Cosi fan tutte, par exemple, surtout quand on a, comme moi, chanté, grâce à Nikolaus Harnoncourt, les trois rôles féminins.
Parmi les rôles impossibles, il y a celui de Don Giovanni, que vous rêveriez d'interpréter ?
C'est un personnage idéalement jouissif. La séduction, le pouvoir, la quête permanente. Le rôle féminin qui s'en rapproche le plus est sans doute Carmen, et il n'est pas impossible que je le mette un jour à mon répertoire. Il a un côté tellement noir, presque suicidaire.
Les rôles dramatiques vous font-ils peur ?
J'arrive mieux à les maîtriser. Mais je suis sensible au temps qui passe, même si cela permet de se réconcilier avec les gens qui ne sont plus. Ce qui me sauve est mon côté romain, volontaire, persévérant, même s'il y a des jours avec des épines partout et pas de rose.
Je sors, je marche, j'essaie de me laisser surprendre par le fleuve. Je regarde la nature. Nous autres, musiciens, souffrons d'être toujours à l'intérieur. Les salles, les répétitions, les avions, les trains. Cela fait un peu prison.
Pensez-vous parfois à la fin de votre voix ?
J'y pense et je n'y pense pas. Quand je me lève le matin, je ne me pose jamais la question car je deviendrais dingue. Mais je suis très lucide car j'ai vu ma mère très bien chanter jusqu'à l'âge de 55 ans, avant le changement hormonal. Cela viendra un jour, je le sais. Je ne suis pas prête à faire des traitements spéciaux ou à prendre des hormones. Je ne serai pas un castrat à l'envers !
Vous acceptez donc le cours naturel des choses ?
Je ne comprends pas la folie de la chirurgie esthétique, avec toutes ces femmes complètement mutilées. Les mannequins anorexiques ! Je ne prends pas de médicaments et je ne ferai pas de lifting dans cinq ans. Je n'accepte pas les diktats de la mode. Je veux que ma vie privée soit vraiment privée.
La seule chose que vous avez laissé filtrer est ce regret de n'avoir pas encore eu d'enfant.
Ce n'est pas un choix et je ne fais pas partie de ces artistes qui ont décidé de ne pas avoir d'enfant. Je pensais que c'était facile. Il y a des femmes qui tombent enceintes sans y penser. J'ai essayé, on verra.
La seconde est la mort de votre frère Gabriele. Vous lui avez dédié un disque...
Cela est arrivé si vite. Je n'ai rien compris. C'est difficile de dire ces choses-là. Je suis romaine, chrétienne - mais catholique, hum !, il s'agit presque d'une force politique ! - et je crois qu'il y a autre chose, une autre vie.
Vous avez des mots durs pour la situation en Italie aujourd'hui...
C'est un pays sinistré, qui est en train de perdre tous ses artistes. Les milliers de politiciens qui y pullulent ont tout détruit. Mais quand tous les théâtres lyriques seront ruinés ou fermés, il restera toujours Berlusconi ! Il chante et a toujours son guitariste avec lui. C'est terrible, mais je ne me sens aucun devoir envers l'Italie. Ce pays ne m'a pas soutenue et j'ai été obligée de partir pour bâtir une carrière.
C'est pour cela que vous avez choisi de vivre à Zurich ?
Je n'ai pas choisi la Suisse, c'est elle qui m'a choisie. J'ai commencé à chanter à l'Opéra de Zurich en 1988-1989 et j'ai toujours été réinvitée depuis. C'est un pays qui a une certaine ouverture d'esprit, ne serait-ce que parce qu'on y parle quatre langues : le français, l'italien, l'allemand et le romanche.
Avez-vous de nouveaux projets à Paris en dehors de votre récital annuel ?
J'aimerais bien revenir sur scène à l'opéra. Au Théâtre des Champs-Elysées, à Pleyel, mais aussi à l'Opéra-Comique, qui est un endroit que j'aime beaucoup. J'y ai vu une représentation de Zampa, d'Hérold, dirigé par William Christie. Des opéras en français, pourquoi pas ? Je pensais à La Clary, d'Halévy, que j'ai fait à Zurich et qui avait été créé à Paris. Mais cela n'a pas marché.
Que souhaitez-vous dans les dix ans qui viennent ?
Continuer à apprendre. Parler d'autres langues, voir d'autres villes, d'autres pays. Je voyage en train car je n'aime pas l'avion, mais aussi parce que cela me donne la possibilité de regarder. Mais, à 43 ans, je ne connais rien. J'ai de plus en plus un sentiment d'urgence. Déjà quand j'étais petite, je ne pouvais rester sans bouger sur la plage plus de dix minutes.
Et dans la vie ?
L'homme de ma vie chante en ce moment dans Cosi fan tutte à Zurich. Il possède la patience et l'humour nécessaires pour vivre à mes côtés. J'ai fini une tournée et je suis en ce moment à la maison pour un rôle de "mamma diva", mais j'aime ça aussi !»
Os mais curiosos poderão deitar uma espreitadela à track list:
1. Come nave in mezzo all'onde* [Siface] - Acto II de Siface
2. Profezie, di me diceste* [Sedecia] - Sedecia
3. Cadrò, ma qual si mira* [Demetrio] - Berenice
4. Parto, ti lascio, o cara* [Arminio] - Acto II de Germanico in Germania
5. Usignolo sventurato* [Siface] - Acto II de Siface
6. Misero pargoletto* [Timante] - Acto III de Demofoonte
7. In braccio a mille furie* [Mirteo] - Acto III de Semiramide riconosciuta
8. Qual farfalla* [Decio] - Acto II de Zenobia in Palmira
9. Nobil onda [Adelaide] - Adelaide
10. Deh, tu bel Dio d'amore ... Ov`è il mio bene?* [Farnaspe] - Acto II de Adriano in Siria
11. Chi temea Giove regnante* [Berenice] - Farnac
12. Quel buon pastor son io [Abel] - Acto I de La Morte d'Abel
Em extra - edição de luxo -, integrando um segundo disco, haverá mais três excertos:
1. Son qual nave [Arbace] - Acto III de Artaserse (Pasticcio)
2. Ombra mai fu [Serse] - Acto I de Serse
3. Sposa, non mi conosci [Epitide] - Acto III de Merope
Por agora, é esperar, pacientemente...
8 comentários:
Tal disco promete, sem dúvida. Eu, pelo que me toca, adoro a Bartoli, cantora de uma ousadia extrema mas pensada.
Se o CD, interpretativamente, corresponder ao nível da entrevista, será uma óptima aquisição, já que os conteúdos têm muito interesse.
é no momento a minha favorita.desde o album dedicado a vivaldi que fiquei encantado.e agora,ao ler esta entrevista,mais me cativa esta mulher.gostava muito de a ver.
Tenho as minhas reservas em relação a este disco. Não tanto relativamente ao repertório mas à forma como a Bartoli continua a cantar. Voz cheia de ar, com pouco brilho...
Já há muito tempo que a Bartoli fala num disco dedicado aos castrados. A primeira vez que a ouvi referir esse projecto era para ser em associação ao Jacobs que acabou por gravar o seu cd com a Vivica Genaux como solista.
Sinceramente o seu último cd decepcionou-me profudamente mas como gosto da forma exuberante como aborda o reportório barroco talvez o venha a adquirir.
Se se registarem na "Cecilia's community" poderão ouvir excertos de todas as músicas e 2 faixas por inteiro :) É a chamada "Cecilia listening party" LOL
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